lundi 19 janvier 2009

Lettre Ouverte de Zabeth Jean Bergeron, cadre de Fanmi Lavalas au Président élu Barack Obama

Mr. le Président élu des Etats-Unis d’Amérique,
Le 4 novembre 2008, le Peuple américain vient à nouveau de faire l’Histoire en secouant des dogmes et tabous que l’on croyait irréversibles en élisant à la tête de la plus grande Nation du Monde, un Noir : Vous. Le monde séduit par votre charisme, votre belle intelligence et votre foi profonde et contagieuse en un changement réel des pratiques anciennes, s’est remis à espérer en ces moments critiques et incertains pour la survie de notre espèce.
C’est le vote de la réconciliation de l’Homme avec lui-même, du respect des valeurs et de la compétence. Ce n’est nullement, comme voudraient le faire comprendre les extrémistes de tout bord, celui de la revanche, mais plutôt celui de la consécration d’une lutte sans répit menée par des hommes, nos devanciers, durant plusieurs siècles.
En effet, Excellence, au-delà des frontières de votre Nation, devant nos téléviseurs, nos ordinateurs et surtout pour la plupart d’entre nous des pays du Sud, nous nous sommes serrés devant nos petites radios pour écouter et savourer ce moment historique, une véritable odyssée à la mémoire de nos Ancêtres communs : Toussaint Louverture, Jean Jacques Dessalines, Robert Kennedy, Martin Luther King, Rosa Parks, Nelson Mandela, ces hommes et femmes qui se sont tant sacrifiés pour l’Egalité des Chances.
Mais, une fois la fièvre électorale et l’euphorie de cette soirée mémorable apaisées, nous avons pleinement conscience des grands défis qui vous attendent tant sur le point national que mondial.
Cette grave crise financière qui prévaut aujourd’hui préoccupe tous ceux et celles, ayant développés des liens étroits avec votre Nation, au nom des principes de la globalisation du marché. Une crise dont nous devons avoir le courage de reconnaitre, Excellence, l’origine dans le vieillissement d’un système capitaliste privilégiant la croissance économique et son succédané : une grande consommation effrénée, au détriment des plus faibles.
La raréfaction des ressources naturelles, la baisse de la production agricole mondiale plus particulièrement dans les Pays du Sud comme le Nôtre, sous l’emprise délétère des exigences du Marché contrôlé par les Oligopoles Internationaux, dont votre Nation en est le principal fer de lance, finira par nous entraîner vers une régression mondiale avec un accroissement du taux de chômage, une précarité grandissante et surtout l’aggravation plus accélérée de la pauvreté dans les Pays du Sud et son cortège d’émeutes de la faim et de haines sociales, nous donnant une planète bouleversée, terrain fertile à toutes sortes de subversion et dérèglement de l’Ordre Normal des choses.
Cette consommation agressive et abusive des ressources naturelles nous vaut aussi, Excellence, ce bouleversement de notre écosystème avec les menaces qui pèsent sur notre existence. Si Nous avons toujours été préoccupés par les menaces d’une déflagration planétaire nucléaire, nous avons négligé les effets pervers de cette agression continue et systématique sur notre environnement, avec l’émission exagérée des gaz à effet de serre.
Heureusement que ce grand esprit de discernement, dont vous avez fait montre, saura vous aider à comprendre et agir dans le sens des intérêts de la planète. Mettre une sourdine à l’avidité pour le profit, des tenants de ce néolibéralisme déréglé, et encourager avec force, en donnant l’exemple, un comportement plus responsable, plus moral de l’homme envers l’environnement, telles seront les grandes batailles que vous aurez à livrer pour la stabilité et la sauvegarde de notre planète.
Bien sûr, nous ne saurions passer sous silence, Mr le Président élu, l’impérieuse nécessité de lutter contre le terrorisme et le trafic de la drogue, non pas en combattant l’Islam, mais plutôt ce radicalisme idéologique avec ces pratiques perverses et haineuses allant jusqu’à menacer aussi le genre humain. Et c’est sur votre leadership que le Monde se repose pour trouver cette paix tant souhaitée dans cette partie du Globe. Car quelque soit la source du terrorisme, nous le condamnons. Mais convenez avec moi que ce sera en harmonie avec les modérés qui sont heureusement plus nombreux que nous parviendrons à cette neutralisation des extrémistes et non en nous asseyant sur des prétextes fallacieux, des mensonges forgés de nulle part que nous arriverons à construire cette solidarité planétaire contre ce fléau, au lieu de cette incompréhension pour ne pas dire antipathie et méfiance suscitées par une attitude, jugée, à raison, trop cavalière. En ce monde où tout est lié, les problèmes mondiaux nécessitent une concertation responsable entre tous les gouvernements.
Quant à nous, cadre et Membre de Fanmi Lavalas, l’Organisation Politique la plus forte et la plus représentative d’Haïti, dont le Président Jean Bertrand Aristide, renversé illégalement et embarqué pour l’exil, en est le Représentant National, nous sommes certains que le Monde, plus particulièrement les Pays du Sud, tant du Continent Africain que du Nôtre, vous attende à ce carrefour de la problématique haïtienne, pour être certains que ce changement annoncé dans vos discours, se concrétisera à travers votre appui réel à un Etat de Droit dans ce Pays, trop déstabilisé et avili par les pratiques hégémoniques, arbitraires et antidémocratiques de la plupart des Administrations américaines précédentes.
Un comportement constant qui nous vaut un Pays déchiré malgré les efforts déployés par les concitoyens à prendre dans leurs mains l'arc de l'histoire et à le bander dans l'espoir d'un jour meilleur et d’une construction démocratique durable. Comme vous dites si bien, dès le lendemain de la conquête de notre Indépendance, suite à la plus belle épopée de l’Histoire moderne, brique par brique, bloc par bloc, de mains calleuses en mains calleuses, malgré notre mise en quarantaine, nous tentons de construire une Nation. Malheureusement, et souvent sous la base de mensonges, de prétextes fallacieux évoqués aux fins d’asphyxier un Peuple jugé trop fier, trop souverain, les Grands de la Communauté Internationale, dont votre Pays est la plus grande Puissance, de concert avec des compatriotes assujettis, ont toujours brisé nos élans de progrès, de modernisation et de renforcement de cette démocratie.
Mr le Président Elu, combien fut immense notre joie, quand vous avez évoqué, durant votre campagne le nom de Haïti, en annonçant que vous allez « travailler avec les autorités haïtiennes afin d'aider au développement économique » de notre Pays, tout en estimant « dépasser le stade de l'aide humanitaire pour passer à un véritable partenariat pouvant aider le pays à se développer ».
Mais, Excellence, avant cette belle volonté de coopération efficace et effective dont nous ne saurions mettre en doute la bonne foi, une stabilité politique et sociale, voie royale au Progrès et à la Démocratie, représente notre revendication la plus fondamentale. La constante politique de déstabilisation du Pays par les extrémistes de droite internationaux, de concert avec des nationaux apatrides, a toujours empêché à notre Nation de prendre son essor. Nous disons oui, dans ce Monde-village, à toute collaboration, à tout soutien des Peuples frères, mais le Peuple Haïtien veut d’abord que l’on respecte ses choix politiques, que l’on cesse ce processus pervers de déstabilisation constante de notre jeune démocratie.
Mr le Président Elu, comment comprenez-vous que le Leader Politique le plus aimé de ce Peuple, le Dr Jean Bertrand Aristide, Représentant National de Fanmi Lavalas, se trouve contraint, aujourd’hui, de vivre loin de son Pays sous la base de mensonges, après avoir été renversé et enlevé de son Pouvoir par des Hommes armés, jouissant de la complicité de l’Administration américaine sortante ?
Ah ! Excellence, vous avez la chance de savourer sans crainte votre victoire, sans vous voir menacer par un Ambassadeur, au lendemain de l’historique 4 novembre, vous augurant sans gêne, « qu’apre dans, tanbou lou », qu’après le bal, ce sera le deuil. Et depuis lors, un 16 décembre 1990, c’est-a-dire, au lendemain d’une victoire électorale, semblable à la vôtre, le Peuple Haïtien paie son insolence d’avoir choisi ses représentants, au nom de la démocratie, au nom de ce principe auquel vous semblez tant vous attacher : un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ce au grand dam des faucons de la vie politique locale et internationale, mus aussi par des sentiments racistes et de classe contre les masses de ce Pays.
Excellence, le Peuple américain, pour son engagement dans la défense des valeurs, morales, universelles et démocratiques a toujours suscité une grande admiration dans le monde, mais il est malheureux aussi de reconnaitre que son établissement a toujours œuvré, exclusivement, dans le sens de ses intérêts hégémoniques qui souvent vont à l’encontre de ces valeurs, provoquant souvent et naturellement une antipathie des peuples opprimés et exploités. Vous comprenez bien, M. le Président élu, que l’Homme, en général, qu’il soit blanc, jaune ou noir et quelque soit son degré d’évolution, ne peut souffrir de l’injustice. Ses réactions dans l’ordre des faits peuvent varier suivant ses amertumes. Mais par tous les moyens en son pouvoir, il cherchera à briser l’entrave qui l’empêche de s’épanouir. De multiples manifestations populaires sont réalisées pour exprimer notre désir et volonté d’obtenir des autorités établies le retour à l’Ordre normal des choses : le retour de Jean Bertrand Aristide dans son Pays, car, pour répéter ce grand écrivain français Victor Hugo, l’exil est la nudité du Droit. Un droit dépouillé de son essence fondamentale, la liberté de l’Homme.
Mais nous sommes certains que votre rêve de changement, de redonner à l’Amérique cette belle image tant avilie et méconnaissable, se concrétisera car tout ce que l’esprit de l’homme peut croire et concevoir, il peut le faire et l’achever. Sommes-nous alors certains que la nouvelle Administration américaine saura supporter la grande majorité du Peuple Haïtien dans ce processus du retour de son Leader National. Il est temps que l’Administration américaine, particulièrement le Département d’Etat, apprenne à respecter les lois de ce Pays, à cesser de supporter et d'implanter illégalement des gouvernements inconstitutionnels et illégaux parallèles au Gouvernement Constitutionnel et Légal installé démocratiquement, à cesser d’encourager une diplomatie non dynamique, renégate et rétrograde et de miner les autorités légalement constituées à travers des organismes non-gouvernementaux, s’évertuant à paralyser l’édifice social et politique, dont l’objectif final est de nous affubler de l’étiquette non méritée et perverse d’Etat en faillite.
Oui ! à une diplomatie dynamique et respectueuse des lois respectives de chacun des Pays, oui à une aide au développement où le paradigme de la charité en serait révolu, oui au respect que nous avons de choisir nos représentants tant à la Magistrature Suprême, au Parlement qu’au niveau des autres Institutions du Pays. Et nous disons non aux pratiques anciennes, assises sur l’arbitraire et la violation systématique du Droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes.
Pour finir, M. le Président, rappelez-vous, au soir de ce 20 Janvier magique, quand vous franchirez le seuil de la Maison Blanche, ce monument historique bâti avec le sang et la sueur de nos ancêtres esclaves, que nous, les Haïtiens, avons été les premiers à combattre cet Ordre mondial et souvenez-vous que cela nous a valu d’être honnis et proscrits par les Grands de ce Monde et rappelez-vous surtout que la réussite de votre mandat ne serait peut-être pas la nôtre, mais votre échec sera avant tout celui de tous les Peuples de la Terre qui se battent pour un monde meilleur, plus juste, plus humain, plus fraternel. Et encore plus l’échec du Monde Noir qui se sentirait bafoué et désespéré de n’avoir pas su prouver à nos irréductibles détracteurs que nous avons la capacité d’aider à la transformation de ce Monde en un grand village planétaire avec les chances égales pour tous.
Que les Dieux tutélaires de notre Mère Afrique et Yahvé vous protègent, et bénissent votre Nation et ce Monde qui s’est remis à espérer.

ZABETH JEAN BERGERON