vendredi 2 avril 2010

HOUNKOU BOLOKOU DJAVOHOUN BOHOUN

POUR EXPÉDIER L’AME DES DISPARUS.
Selon les initiés qui maîtrisent bien le rituel Vodou, les âmes des morts quand elles ne sont pas expédiées dans leur lieu de provenance, errent partout. Elles hantent les cours, les habitations et jusque dans l’intimité même des foyers. Fort de ces réalités, il convenait d’organiser des rituels dont l’objectif consistait à renvoyer ces âmes errantes sous les eaux.

Dans cette optique, les adeptes du Vodou, suite au séisme du 12 janvier ont organisé 40 jours de prières qui devaient aboutir à ce Bohoun autrement appelé Kase Kannari. Ce dimanche 28 mars, on était à la veille du 23ème anniversaire de l’approbation de la cette constitution qui accorde à chaque compatriote le droit de professer librement sa foi comme bon lui semble.

Tôt dans la matinée, vers la Place des Nations Unies située à quelques mètres du littoral dans l’air du Bicentenaire, juste en face de l’Ambassade du Vénézuéla, affluaient des milliers d’adeptes du Vodou. Les Femmes pour la plus part aux silhouettes arachnéennes, drapées dans leur robe d’une blancheur cristalline déambulaient allègrement dans cette espace hautement sécurisée par plusieurs unités de la Police Nationale.

Les hommes, quand à eux portaient un brassard noir à la main gauche. Hounkou Bolokou Djavohoun Bohoun, cette inscription peinte en noir avec en dessous une vase était entourée de deux vèvè ; Legba et Bawon Samdi. Sur cette estrade adossée au mur de la Croix Rouge, trônaient des représentants de diverses délégations de Vodouisant venus de la diaspora et des 10 départements géographiques du pays
<« Je crois que c’est important d’organiser cette cérémonie pour renvoyer les âmes de nos frères et sœurs disparus. Ainsi, elles pourront revenir sous d’autres formes pour nous aider à reconstruire notre pays détruit par le séisme du 12 janvier 2010 », a déclaré Madame Suze Mathieu directrice du Bureau National d’Ethnologie. Confortablement installé sur son siège artisanal taillé avec une finesse artistique dans la racine d’un acajou, le patriarche du Vodou Ayisyen, l’Ati Nasyonal, François Max Gesner Beauvoir avait une multitude infinie de Pitit Fèy si beaux à voir et à contempler. Trônant fièrement au milieu de ces délégations dont la Directrice Générale du Bureau National d’Hénologie Madame Suze Mathieu, l’Ati Beauvoir a expliqué aux non initiés pourquoi il importe d’expédier ces âmes errantes en corroborant la thèse précédemment avancée par la Manbo Euvonie Auguste qui jouait le rôle de Maitresse de cérémonie. « Nous devons reconnaitre que chaque personne a la possibilité de revenir sur la terre au moins 16 fois. Si nous nous souvenons bien, chaque humain a pris naissance dans l’eau. Et, à leur mort les diverses composantes de l’âme iront retrouver l’esprit de l’eau Mèt Agwe qui les commandera de revenir sur la terre avec un nouveau visage soit féminin ou masculin. Si nous n’organisions pas cette cérémonie Bohoun, les Ti bon anj passeront toute une éternité à errer jusqu’à ce qu’ils pourront causer de tragiques préjudices aux vivants. Cette cérémonie Bohoun est donc organisée dans l’unique but de renvoyer ces âmes à Agwe l’esprit des eaux qui à son tour est habilité à les gérer convenablement ». C’est ce qu’a fait savoir l’Ati Nasyonal, François Gesner Max Beauvoir. Au milieu des invocations, des complaintes et des incantations les Pitit Fèy avancent à la file indienne. Les femmes portent sur leur tête nouée d’un madras noir des gamelles contenant trois kwi renversés qui baignent dans une eau claire. Les hommes serrant contre leur poitrine robuste, des Kanaris enveloppés de mouchoirs noirs suivent pas à pas les femmes. Après avoir fait le tour, ils sont allés les placer sur ces draps blancs sur lesquels sont dessinés d’une main à la finesse éprouvée des Vèvè dont le symbolisme célèbre les morts. Tout au cours de la cérémonie de Bohoun, les hommes assis sur des Ti chèz ba tapent sur les Kanaris avec un morceau de hard bord dans lequel on a attaché un morceau de bois leur permettant de le tenir. Et les femmes tapent sur les Kwi à l’aide de baguettes qu’elles tiennent de la main droite et qui retentissent. « Nous estimons c’est une irrévérence irrémissible de traiter ainsi nos morts. Je vois que le 12 février les autres religions ont organisé des activités carnavalesques. Nous les vodouisants nous vouons un immense respect pour les âmes de nos frères et sœurs emportés par la violence sanguine du 12 janvier dernier..C’est dans cette ordre d’idées que nous organisons ce Bohoun qui veut dire cérémonie pour renvoyer les âmes des morts du lieu d’où elles venaient en l’occurrence au fond des eaux pérennes », a rappelé le hougan Jeanjean. Un enchevêtrement rythmique fort agréable aux ouïes sert de fond aux nombreuses incantations fredonnées par une superposition harmonieuse de voix hétérogènes. Après moult cérémonies accompagnées de langages gestuels appropriés, le convoi partit du site de la cérémonie pour longer le local encore en ruine qui logeait la chambre des Députés précédé par cette couronne géante de fleurs blanches. Les Ason s’accordaient pour accompagner la délégation jusqu’à la dernière station tandis que l’arome du parfum Florida prèt pou fè lwa pran m. Un rabòday entrainant soutenu par les cornets, les vaccines en tôle joués en majeure partie par des enfants et des jeunes sous des arrangements rythmiques congruents, le rara Belle Déesse venant de Meyotte, les accompagne jusqu’au Kè kolon. Avant d’arriver devant cet espace vide où étaient logés les bureaux de la Poste disparus au cours du séisme plusieurs Manbo, ne pouvant résister à ces fuites, sont rentrées en transe. Se mwen ki pou ta di w sa m wè. A chaque carrefour par des rituels propres à eux les Vodouisant demandent à Legba d’accorder le passage à ces âmes. Contournant les murailles de l’Ambassade du Vénézuéla à l’extrémité ouest de la Place des Nations Unies, les voici exactement sur le littoral. Sur fond de chants, de cantiques d’invocations, une douzaine de mambos toutes de blanc vêtues portant des Kanaris enveloppés dans des toiles noires pénètrent dans la mer. Trois d’entre elles poussent vers les vagues calmes cette couronne qui symbolise les âmes de nos frères et sœurs disparus. De retour sur la place la Manbo Euvonie Auguste, dans un aparté qu’elle a eu l’amabilité de nous accorder, a déploré le fait que le Docteur Jean Bertrand Aristide ne soit pas des nôtres pour assister à cette cérémonie. « Aucun Vodouisant ne saurait oublier que c’est à la faveur d’une loi adoptée par le Président Aristide et rendue public le 4 avril 2003 que le Vodou est enfin devenu une religion officielle. Les forces rétrogrades l’ont contraint de vivre un exil horrifiant jusqu’en Afrique du Sud. Cependant nous Vodouisant en signe de reconnaissance devons rassurer le Docteur Aristide que nous sommes plus que jamais déterminés à tenir bien haut le flambeau de la mobilisation pour qu’il puisse revenir vivre parmi nous et nous accompagner comme à son accoutumé dans cette lutte perpétuelle pour la vie en toute dignité», c’est ce qu’a promis la Manbo Euvonie Auguste au nom des Vodouyizan Ayisyen.

J. Fatal Piard pafart1@yahoo.com

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