Le président Aristide avait été élu le 26 Novembre 2000, lors d’élections boycottées par une partie de l’opposition. Cependant son élection a été reconnue par la communauté internationale. La frange de l’opposition qui avait boudé les élections avait alors crié au scandale, accusant le nouveau président de vouloir instaurer dans le pays un régime dictatorial, d’autant que le parti d’Aristide avait raflé tous les postes à pourvoir au sénat et la majorité à la chambre des députés lors des élections municipales et législatives partielles du 21 Mai 2000. Et depuis la croisade anti-Aristide avait commencé avec une coalition composée des partis politiques traditionnels déjà connus sur le terrain avec les mêmes têtes qui font et défont sur l’échiquier politique depuis la chute de la dictature duvaliériste et des organisations de la société civile qui se transformeront ensuite en groupe des 184 dirigé par le riche homme d’affaire André Apaid.
Leurs revendications
Au départ, ils réclamaient que des correctifs soient apportés dans la conduite de la chose publique. Ensuite ils prônaient un nouveau contrat social. Le mouvement qui, au début avait un caractère pacifique allait vitre prendre une autre tournure. D’ailleurs Jean Bertrand Aristide avait concédé beaucoup à l’opposition. Il avait ordonné le retrait des élus objets de contestations au niveau du sénat, la formation d’un nouveau Conseil Electoral Provisoire avec la participation de différents secteurs du pays. L’opposition avait refusé d’y participer. Et chaque fois que le pouvoir en place faisait une nouvelle concession l’opposition faisait de nouvelles exigences ; des exigences plus difficiles à satisfaire. Entre temps les manifestations anti-Aristide, les campagnes mensongères orchestrées par une certaine presse acquise à la cause de l’opposition se renforçaient.
La lutte armée
Parallèlement au mouvement pacifique qu’organisait l’opposition dans les grandes villes comme Port au Prince et Cap Haïtien, son bras armé composé d’anciens militaires, d’anciens commissaires de police suspectés pour la plupart d’implication dans le trafic de la drogue, d’anciens tueurs à gage de l’organisation terroriste FRAPH (front pour l’avancement et le progrès d’Haïti) semaient la mort dans des les provinces, incendiaient des bureaux publics, des commissariats de police etc. Ces groupes armés qui partaient souvent du territoire dominicain effectuaient des incursions sur le sol haïtien. Pendant longtemps, le pouvoir associait ces actes criminels avec le mouvement de l’opposition, mais cette dernière avait toujours nié l’existence de rapport entre elle et les auteurs des crimes commis notamment dans le plateau central. Il a fallu attendre une année après la chute d’Aristide pour que l’un des auteurs de ces actes Guy Philippe confesse sur les ondes de Radio caraïbe à l’émission « Ranmase » qu’il était toujours en contact avec les leaders de l’opposition et de la société civile et que ces derniers le visitaient souvent en République Dominicaine. Personne ne doute qu’il recevait de ces gens des armes et de l’argent pour mener la lutte armée contre Aristide. Tout le monde connaissait donc la vérité à propos de ces événements. Cependant, chacun choisissait de croire au mensonge qui servait à son intérêt.
La chute d’Aristide
Le 29 Février 2004 au petit jour, la nouvelle est tombée, le président Aristide est renversé. Il affirme avoir été kidnappé par des forces étrangères qui l’ont embarqué dans un avion vers une destination inconnue. Ceux qui l’ont enlevé ne savaient pas encore où l’emmener. Finalement, ils l’ont emmené à Centre Afrique pour ensuite séjourner à la Jamaïque avant d’être accueilli par l’Afrique du Sud où il vit en exile depuis bientôt cinq (5) ans. Ceux qui étaient derrière les événements du 29 Février soutiennent que Mr. Aristide avait démissionné purement et simplement. Ceci reste à prouver. Mais on devra connaître, un jour ou l’autre, toute la vérité autour de cette affaire puisqu’un projet de loi créant une commission d’enquête sur les événements du 29 Février a été introduit le 28 janvier dernier au congrès américain.
Durant les jours qui on précédé la date du 29 Février, un des artisans du coup, Dany Toussaint alors sénateur de la République avait multiplié des déclarations abracadabrantes selon lesquelles une fois le président parti, tout serait rentré dans l’ordre. Il n’avait pas compris que les choses ne se passent pas nécessairement de la même manière en politique que dans un moulin. Il n’avait pas compris non plus qu’on ne puisse pas analyser ni comprendre la réalité politique sans une culture politique. Il est plus facile de s’enrichir dans des conditions obscures que de faire des prédictions en matière politique. La politique est une science et elle a des courbes. On avait assisté à des actes de désordre et de violence quasiment similaire au déchoukage qui a suivi le départ de Jean Claude Duvalier le 7 Février 1986. Et les experts autoproclamés en matière de sécurité n’étaient pas en mesure de rétablir la sécurité dans les jours, les semaines ni mêmes les mois qui ont suivi la date du 29 Février. Au contraire c’était le chaos qui régnait dans le pays.
L’après Aristide
Une fois que le président est parti, les leaders du mouvement GNB sont apparus à la télévision nationale, bible en main pour remercier Dieu de les avoir délivré. Ils se sont félicités et souhaités bonne année. Pour eux, exceptionnellement la nouvelle année avait commencé le 29 Février 2004. Cette date devait marquer également, selon leur logique, la prise totale du pouvoir pour eux et leur petite famille politique. Mais ironie du sort, ils n’avaient pas réalisé qu’ils n’étaient pas maîtres de la situation et que les ambassades des puissances occidentales avaient tout sous contrôle et avaient également son propre agenda. C’est ainsi que les ambassades, les ont utilisé et leur ont fait avalé la pilule qui n’était autre que d’accepter Alexandre Boniface, juge à la cour de Cassation comme président et le résident de Boca Raton, Floride, Gérard Latortue comme premier ministre. Cette affaire avait suscité des grognes chez les leaders de l’ancienne opposition, mais ils avaient dû prendre leur mal en patience, d’autant que Latortue qui formait un gouvernement de « technocrates » leur jetait à chacun un os pour survivre. Sous ce gouvernement qui a dirigé le pays pendant plus de deux (2) la corruption a été institutionnalisé, l’impunité érigée en système, la police placée sous le commandement de Léon Charles transformée en milice pour persécuter les partisans de l’ancien gouvernement, la misère et la faim ont progressé, le chômage renforcé notamment avec des vagues de licenciement à caractère politique suivi d’arrestations illégales opérées dans l’administration publique etc. Des expéditions meurtrières sont conduites dans les quartiers populaires conjointement par la police nationale et la force d’occupation présente dans le pays. Des massacres sont perpétrés à Fort National, au Bel Air, à Martissant et à Cité Soleil. Des milliers de partisans d’Aristide sont soit tués, arrêtés ou obligés de fuir le pays pour échapper à la furie des GNBistes. Appuyés par une certaine presse et des organisations dites de défense des droits de l’homme, le régime intérimaire ne s’était jamais inquiété des violations des droits humains et des crimes perpétrés dans le pays. Au contraire, il se sentait conforté dans sa position par le soutien dont il jouissait auprès de la communauté internationale.
Les masques tombent
Les GNBistes avaient toujours présenté le président Aristide comme étant le responsable de tous les maux du pays. Ils disaient même qu’Aristide doit partir pour résoudre les problèmes du pays. Eux qui promettaient monts et merveilles à la population à travers leur fameux nouveau contrat social, une fois au pouvoir, ont tout oublié. Le projet de nouveau contrat social au nom duquel ils avaient boycotté la célébration du bicentenaire de l’indépendance nationale, a été abandonné. Personne n’en parle aujourd’hui.
Des étudiants qui ont pris part à ce mouvement, sont les grands oubliés du pouvoir intérimaire. Les revendications relatives à l’autonomie et aux moyens adéquats qu’on devrait mettre à la disposition de l’université d’Etat d’Haïti ont également été abandonnées. L’université n’est toujours pas dotée de cafétéria, de bibliothèque et d’infrastructures permettant la recherche. Les facultés sont éparpillées ça et là. Il n’y a toujours pas un campus universitaire digne de ce nom. Certains de ces étudiants se sont faits humiliés devant les ministères des technocrates. D’autres, les plus chanceux qui avaient eu le temps d’avoir un visa se trouvent pour la plupart en situation illégale aux Etats-Unis après avoir sollicité en vain l’asile politique. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui menacés de déportation alors que le principal bénéficiaire de leur mouvement, Gérard Latortue revient vivre tranquillement sa vie en Floride où il réside depuis plusieurs années.
L’omniprésence de la communauté internationale
Depuis que le régime intérimaire est arrivé au pouvoir, il a toujours agi dans le sens des intérêts de la communauté internationale. Il s’assure que la moindre décision prise soit en conformité avec la volonté de cette communauté internationale que les autorités d’alors ne se gênaient pas à solliciter pour leur venir en aide dans le cadre du ramassage d’ordures dans la capitale. Quoique ridicule et insensée comme démarche, il paraissait bien normal pour ce type de gouvernement. On ne pouvait mieux espérer d’un gouvernement de doublure incapable de poser la moindre action et qui recevait d’ailleurs des ordres des ambassades occidentales. Cependant, malgré des déclarations relatives à la volonté des autorités de facto d’organiser des élections pour remettre le pays sur la voie constitutionnelle, elles ont pris goût au pouvoir et voulu s’y accrocher. C’est ainsi qu’après plusieurs reports successifs de la date des élections, la communauté internationale a dû intervenir pour remettre les pendules à l’heure en sommant le régime d’exception de Boniface/Latortue d’organiser les élections dans un délai ne dépassant pas un mois. Ce qu’ils n’avaient pas pu faire en deux ans, ils l’ont réalisé dans un mois exactement dans le délai imparti par la communauté internationale. Le 7 Février 2006,des élections présidentielles ont lieu. Malgré la volonté affichée du CEP de l’époque d’empêcher la participation des gens issus des quartiers populaires, ces derniers se sont mobilisés pour obtenir leurs cartes électorales afin de voter. Ils ont voté massivement en faveur du candidat du regroupement « Lespwa » René Préval. Les élections une fois terminées, les gens qu’on a voulus exclure du vote, ont dû manifester dans les rues pendant au moins une semaine pour forcer le CEP à proclamer les résultats des élections dans le sens qu’ils avaient votés. Il y a eu le scandale des bulletins brûlés à Titanyen dont personne n’a jusqu’ici obtenu explication auprès du CEP et on connaît la suite.
Changement dans la continuité
Il y a trois (3) ans depuis que l’équipe emmenée par le président René Préval est en place. Beaucoup de gens se sont sacrifiés pour que cela ait lieu. Mais 3 ans après qu’est ce qui vraiment changé dans le pays ? Tout le monde est d’accord que les persécutions politiques ont cessé. On ne déplore plus massacres dans les quartiers populaires. Certains prisonniers politiques ont été libérés. Les partisans d’Aristide peuvent manifester quasiment sans se faire tirer dessus. Les médias critiquent l’action ou l’inaction du gouvernement sans risque de se faire attaquer.
Cependant, les droits fondamentaux de la population continuent d’être violés. La faim, et le chômage continuent de progresser dans le pays. L’économie du pays est anémiée. Les haïtiens sont toujours privés de soins de santé adéquats. Les professeurs continuent d’avoir un salaire de misère, la corruption et le trafic de la drogue demeurent des défis pour le pouvoir en place. Des centaines de milliers d’enfants en âge d’aller à l’école ne sont toujours pas scolarisés. La justice est en panne. Aucun procès de ceux qui ont commis des exactions sur la population n’a eu lieu jusqu’ici. On dirait qu’aucun crime n’a été commis pendant la période où le pays était dirigé par le régime intérimaire. Rien n’a toujours été fait pour réintégrer dans l’administration publique et des organismes déconcentrés les gens révoqués pour des motifs politiques par le régime intérimaire. De même, aucun changement n’a été opéré au niveau des missions diplomatiques haïtiennes à l’étranger. Pendant que les pauvres sont entrain de crever de faim et que la production agricole nationale continue sa chute libre, chaque année de nouveaux millionnaires voient le jour dans le pays grâce à la corruption et le trafic de la drogue.
En 2008, à pareille époque la grogne de la population s’est transformée en émeute de la faim. Des émeutes qui ont emporté le gouvernement de l’époque. Bientôt un an après ce drame, rien n’a toujours été fait pour donner à manger à cette population qui avait pourtant consenti tous les sacrifices pour mettre ce pouvoir en place. Au contraire, certains estiment que l’action de ce pouvoir est en total désaccord avec les revendications de la population. Et ils parlent de changement dans la continuité, puisque le pouvoir de René Préval ne se démarque pas tout a fait de l’action de l’ancien régime. L’espoir promis aux haïtiens s’est donc transformé en désespoir au point que nos compatriotes continuent de fuir le pays par millier en risquant leur vie sur de fêles embarcations à la recherche d’un mieux être. Autant dire qu’après les élections du 7 Février 2006, il y a eu un changement de quelques hommes, mais la politique appliquée reste la même avec les mêmes maladresses politiques, les mêmes légèretés, les mêmes irresponsabilités, les mêmes coups bas et les mêmes hypocrisies. Les gouvernements se succèdent et se ressemblent.
Le pays se vide de ses ressources.Rien ne va pratiquement dans le pays. Le pays se vide de ses ressources les plus vitales et indispensables à son développement. En raison de l’instabilité politique et de l’insécurité caractérisée par sa forme la plus brutale et toujours non maîtrisés ; le kidnapping, de nombreux cadres ont fui le pays ces dernières années. Ils sont allés mettre leurs connaissances au service des Etats-Unis, du Canada, de la Belgique et des pays d’Afrique. D’autres se sont orientés vers des organisations non gouvernementales qui leur offrent des salaires plus intéressants Rien n’est fait pour rapatrier ces compétences. Au contraire, on donne l’impression de ne pas avoir besoin de ces haïtiens. Il y a même un discours anti-diaspora qui est entrain d’être véhiculé dans le pays depuis un certain temps. Il en résulte que le pays connaît ces derniers temps un niveau de médiocrité sans égale.
Nouvelles crises en perspective
En raison de la légèreté politique qui caractérise l’action du gouvernement en place, le pays est aujourd’hui au bord d’une crise électorale doublée d’une crise institutionnelle marquée par le vide créé au Sénat de la République. Des élections qui devraient avoir lieu depuis deux (2) pour le renouvellement du tiers du Sénat, n’ont pas toujours été organisées. Ces élections programmées finalement pour le 19 Avril prochain, ont très peu de chance d’avoir lieu selon certains observateurs qui voient déjà dans la décision du CEP d’écarter le parti de Jean Bertrand Aristide de la course, une volonté de ne pas organiser les élections. Ce qui risque d’enliser le pays davantage dans la crise. Ce qui revient à dire que cinq (5) ans après le départ d’Aristide, les mêmes problèmes demeurent sans solution, les revendications populaires restent toujours sans réponse. Le pays continue d’être dirigé par des gouvernements de doublure ne pouvant décider ce qui est bien pour leur pays. Les inégalités sociales se creusent davantage. Et le pays continue de s’enfoncer dans l’inconstitutionnalité et l’illégalité.
Francklyn B. Geffrard
Journaliste
2 commentaires:
STANLEY LUCAS SOUFFRE D'UNE NEVROSE ANTI LAVALAS.IL EST L'HOMME DES OCCUPANTS. MENTEUR, VENDEUR D'HAITI,AU SOLDE DES NEOCONS
Enregistrer un commentaire