lundi 20 avril 2009

LE VÉTO DE LA MAJORITÉ


Le peuple haïtien a dit son mot, la majorité a imposé son veto hier sur les élections anti démocratiques et injustes programmées par le pouvoir en place. La majorité a dit non à l’exclusion, à l’arbitraire et à la violation des principes de droits humains et aux prescrits de la constitution. Le droit de vote est inaliénable et non discriminatoire. Le taux de participation est tellement insignifiant qu’il vaut mieux de ne pas parler d’élections. En excluant Fanmi Lavalas aux élections, aux grands débats nationaux tels l’amendement de la constitution, la double nationalité, la création d’une force de défense nationale, la réforme de la justice. Le pouvoir en place veut rééditer le statuquo ante 1986 où seule une minorité avait le privilège de participer à la gestion de la Res publica. La non participation aux élections est aussi un veto à la politique du gouvernement, cette politique d’exclusion, de corruption, de pillage et de gaspillage des biens publics. La majorité dit non au vol des deniers publics et au viol de la constitution. Si le pouvoir en place accepte de nommer les senateurs, les séides de sa chapelle, Haïti aura un sénat illégitime, et les crises budgétaires, la corruption, le blocage institutionnel continueront encore à paralyser l’Etat. L’attitude du pouvoir justifie un retard mental dans les pratiques politiques arbitraires, dans le populisme empirique ; il s’inspire des manœuvres de Sténio Vincent qui sélectionnait à la fois plusieurs candidats pour un seul poste électif et quelque soit le vainqueur ou le vaincu, il triomphe sans gloire et sans honneur. Vincent savait sélectionner des parlementaires de bas niveau qu’il pouvait manipuler. A l’une de ses commères qui lui recommandait son mari borgne à un poste de sénateur, il répondit « Ma chère commère, au sénat je n’ai pas besoin de borgne, mais des aveugles ». Le pouvoir en place projette l’image de Duvalier, la peur du plus fort, la crainte de l’opposant, la phobie des idées contraires. D’où pour ce pouvoir la nécessité d’une gérontocratie moderne. Le scénario est comique et parfois triste pour une nation en quête de démocratie réelle. Voici quelques témoignages. La télévision a fait des reportages sans image, sauf quand le président de la République allait voter. Et tous les reporters délégués en provinces ont signalé et souligné avec insistance la participation insignifiante de la population à ces joutes. On n’a pas remarqué de longues lignes de votants devant les bureaux de vote comme en Mai 2000, ou comme en 2006 les militants Lavalas avaient dévié des lignes de leur leader pour voter René Préval. Par exemple à 2 heures, le correspondant de Jérémie a annoncé que certains électeurs ne pouvaient pas voter, car leur nom était déjà coché parmi les votants « yo te déjà vote pou yo; Se yo ki gen lespwa se nòmal » A Bas Limbé, sur une population de près de dix mille citoyens en âge de voter on a enregistré seulement 150 votants. Dans un bureau on a eu le résultat suivant : Elusca Charles, natif de la localité 3 voix, Moïse Jean Charles, le Poulin du pouvoir 2 voix, Marie Gisleine Monpremier de la Fusion 2 voix, Jean René Laguerre 1 voix, et Antoine René Samson 0. On a enregistré à Pétion Ville 177 votants dans 264 bureaux, à Cabaret 102 votants sur 39 bureaux. Les élections sont massivement boudées par la population avec raison et conviction. Car un gouvernement qui n’est pas crédible, qui a perdu la rédemption des masses populaires, ne peut organiser des élections crédibles. En Février 2006 le peuple a converti une sélection en referendum, et on peut dire que Mr René Préval n’a pas été seulement voté mais aussi plébiscité. En 2009 le peuple a converti une gaucherie électorale en une journée de prière et de jeûne. Pour donner le pouvoir à LESPWA ils se sont jetés dans la piscine en 2006, « Yo naje yo soti »; pour sanctionner le pouvoir ils se sont plongés profondément nan LAVALAS pou yo pa tonbe nan dezespwa. Les portes des bureaux de votes étaient ouvertes, mais les portes des électeurs étaient fermées ; par conséquent il n’y a pas eu d’élection
La gifle populaire au pouvoir dans ses élections est aussi un Veto aux partis politiques dont la majeure partie sont les anciens opposants au régime Lavalas en 2003. Ce sont des partis politiques qui ne valent rien, qui n’ont aucun contact avec la population, qui ne peuvent être actifs sans la complicité d’une branche de l’internationale, et parfois à l’encontre des intérêts de la nation. Ces partis politiques, surtout LESPWA, choisissent des candidats qui n’ont pas trop d’intérêt pour la république. On se plaint du niveau académique, de la capacité politique et manque de candeur de certains candidats au sénat, la chambre haute du pouvoir législatif. Cette réplique de la population pourrait servir de leçon à un pouvoir ayant un minimum de sagesse et des oreilles pour écouter le peuple.
19 avril 2009 est un Veto au pouvoir en place, un crédit à Fanmi Lavalas. Cette organisation est bien une force ; et c’est la vérité. « operasyon pòt fèmen an, fèmen bouch tout medizan mal palan ».
Faudrait–il recevoir les fleurs du directeur général du conseil électoral provisoire? Je crois que non. Nous n’avons pas besoin de ces félicitations sèches et dégouttées de sincérité. Nous ne sommes pas dans ce pays les artisans professionnels de la violence, au contraire nous sommes les victimes. Et nous avons bien appris de Victor Hugo que toutes les violences ont un lendemain. C’est pour nous toujours la prison, l’exil, le marquis et le matraquage de toute sorte. C’est toujours contre nous la violence physique, la violence économique, la violence morale. Et nos bourreaux sont toujours médaillés. 29 novembre 1987 ce n’était pas nous logiquement, 6 Janvier 1991 pas nous justement, 30 septembre 1991 pas nous véritablement, en 2003 à Pernal ou aux Gonaïves pas nous non plus indiscutablement. Alors qui ne connaît pas les « Freedom fighters de la République ». Mais 19 Avril 2009, c’est bien nous, car c’est pacifique.
La communauté internationale doit tirer aussi des leçons, la Minustha doit évaluer ses cinq ans de travail en Haïti, l’équivalent d’un mandat présidentiel. Au moment où le pouvoir en place est plus discrédité par la population, plus critiqué pour les actes de corruption, la communauté internationale lui tend ses rameaux d’olivier, recommande ses lunes de miel au rythme de la valse des visiteurs de grand calibre de la politique planétaire. Un gouvernement qui ne peut même pas préparer un budget reçoit une enveloppe de 350 millions de dollars sur 125 demandés. Donc, que les St Thomas croient et comprennent la valeur de la marchandise, quand l’offre est supérieure à la demande. Alors interprétez la Courbe!

La victoire du 19 Avril sur l’exclusion exige de Fanmi Lavalas une gestion rationnelle pour une meilleure digestion. C’est l’occasion de comprendre et de reconnaître la faiblesse de notre force. L’Unité seule nous affranchira de cette geôle infernale. Ne soyons pas trop idéalistes, mais réalistes. L’unanimité n’est pas indispensable à l’unité, car la contradiction est naturelle. Tous les organes du corps humain ne fonctionnent pas de la même façon, mais ils se coopèrent harmonieusement sous le leadership synchronisateur du cerveau. Alors cessons nos fausses querelles qui frisent déjà le suicide collectif ou l’autodestruction , marchons unis vers une restructuration rationnelle et pragmatique de notre organisation. Le salut est collectif !
En mémoire de tous ceux qui sont tombés pour la cause de la démocratie et dont nous sommes les dignes héritiers, en collaboration avec tous ceux qui sont encore debout et qui veulent mourir debout au lieu de vivre à genou, en tant que la providence de ceux qui naîtront dans cette lutte, crions ensemble : Yon sèl nou fèb, ansanm nou fò, ansanm ansanm nou se Lavalas.

Bell Angelot, professeur de droit public
Directeur Fondateur du Centre Haïtien de Recherches
et de Documentations en Sciences Sociales

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