lundi 4 mai 2009
Interview accordée par Me Bell Angelot au journal Le Porte Parole
L.P. P- Me Bell, bonjour, tout le plaisir est pour le staff de Le Porte Parole en nous accordant cette interview. Dites nous comment vous vous sentez en Haïti actuellement?.
Me Bell- Bonjour cher ami, bonjour à toute l’équipe du journal Le Porte Parole... Au point de vue personnel je me sens très bien, je me retrouve dans mon pays depuis deux ans. Mais en ma qualité de citoyen Haïtien, l’état du pays me rend malade chaque jour. La déception est généralisée, l’incohérence rime avec l’incompétence et l’insouciance. Le gouvernement n’a aucun programme, n’inspire aucune confiance et ne donne aucun espoir. Et qui pis est on ne voit pas à l’horizon une nouvelle équipe qui s’émerge pour gérer les dégâts après le passage de ce désastre.
L.P.P- Les élections sont programmées pour le 19 Avril 2009, quelles sont vos impressions?
Me Bell- je parle très peu de ces élections depuis l’expulsion arbitraire de Fanmi Lavalas de la course. Mais mes observations me font comprendre que ces élections seront organisées dans l’indifférence et seront très pauvres en participation populaire. Deux faits expliquent ceci, la non participation de Fanmi Lavalas et la déception de la population. L’équipe gouvernementale est vraiment décevante: les ressources de l’Etat sont gaspillées, les caisses de l’Etat sont pillées. Rien n’est fait. Entre cette équipe et celle de Latortue c’est toujours « la même eau qui coule ». Pour le 19 avril comme cette date coïncide avec celle de mon retour d’exil, elle sera pour moi un jour de méditation, le moment de revivre les périodes les plus lamentables de mon existence.
L.P.P- Par contre quelles sont vos activités professionnelles et politiques?
Me Bell – Bon j’ai repris deux semaines après mon retour au pays mon bâton de craie à mon collège, et j’assume aussi une chaire de droit international et de droit constitutionnel à la faculté de droit du Cap Haïtien et à l’Université polytechnique d’Haïti. J’anime des séminaires sur le Tourisme et développement endogène à travers l’Institut de Formation Administrative et Commerciale (IFAC) fondé depuis 1994, et l’année dernière j’ai créé un centre de Recherches dénommé Centre Haïtien de Recherches et d’Investigations en sciences Sociales (CHRISS) dans l’objectif d’encadrer les jeunes en leur inculquant des
notions de civisme, de politique, d’histoire et de littérature contemporaine. Je viens de clôturer mon deuxième séminaire à l’IFAC.
L.P.P- Comment les jeunes ont accueilli cette initiative et qu’est ce qui vous a motivé à prendre cette initiative?
Me Bell- L’accueil est scandaleux en Vérité. Il y a tout un vide dans ce pays, la génération de trente ans qui représente plus de soixante pourcents de la population est une jeunesse sacrifiée. Ils ne connaissent ni la dictature ni la démocratie. Ils sont affamés de savoir, ils cherchent avec la lanterne de Diogène en plein jour un modèle. Lors du premier séminaire avec une cinquantaine de participants, il fallait voir avec quel appétit ils dévoraient les notions d’histoire et de littérature contemporaines, ils étaient fous d’apprendre de Duvalier, Fignolé, Déjoie, Jumelle, Trujillo, Kennedy Castro, Batista, Jean Price Mars, Roumain, J. S. Alexis.. et tous les acteurs de 1957.
L.P.P- Et le deuxième séminaire Cher Maître?
Me Bell- Ah mon ami on a eu la même sensation, le même taux de satisfaction. C’était sur la constitution du 6 au 10 Avril 2009. Vous voyez, la constitution vient d’avoir 22 ans. Ce qui signifie à la publication de cette charte ces jeunes ne pouvaient rien comprendre. Et puisqu’il y a un projet d’amender la constitution, donc il faut apprendre à ces jeunes la constitution. Et il faut les motiver à faire la politique et à aimer le pays autrement. L’engouement est tellement fort, ils me demandent d’organiser ces séminaires pour plusieurs autres groupes et dans d’autres localités du pays.
L.P.P- Avez-vous accepté ? Si oui à quel prix?
Me Bell - Pourquoi refuser? A quel prix, bon je suis en train de rembourser ma dette au pays, je suis un ancien lycéen et étudiant d’une faculté de l’état, donc je paie ma dette. Le Centre Haïtien de Recherches et d’Investigations en Sciences Sociales est à but non lucratif et cible surtout les jeunes.
L.P.P- Êtes-vous seul dans cette initiative?
Me Bell- Non, je ne saurais être seul, car j’ai toujours cru qu’ensemble c’est possible, il y a les membres fondateurs qui sont des professeurs, des agronomes, médecins, industriels etc. Pour l’animation des séminaires, Dr jean Claude Alcazar vient de me rejoindre et je suis en négociation avec un professeur dominicanohaïtien pour un jumelage avec un centre dominicain. Et le centre n’organise pas seulement des séminaires, mais aussi des promenades historiques, des investigations sur l’écologie, l’éducation etc. Il y a un volet touristique ou l’on accueille des jeunes de la diaspora etc.
L.P.P- Me Bell quelle est votre position sur le projet d’amendement de la constitution?
Me Bell- Je me suis déjà opiné là-dessus. L’amendement est une nécessité, mais pas une urgence. Et si nos hommes et nos femmes politiques continuent à gérer le pays avec cette même méthodologie de « manfoubins », à concevoir la nation comme une vache à lait où l’État est une confrérie de médiocres, de coquins et de corrompus, à quoi bon changer la constitution ? Mais si l’on veut faire les choses autrement, il faut l’amender, le peuple haïtien doit se prononcer sur son système de défense nationale sans lequel il n’y aura pas de développement, sur l’intégration des haïtiens jouissant de la nationalité étrangère. « Ayiti pa ka gen pitit deyò ».
L.P.P- Continuez-vous à écrire, Me Bell
Me Bell- Oui mon cher, j’ai un deuxième ouvrage qui doit paraître sous peu, il s’intitule: Deux siècles de deuil et de conflits et comme sous titre « Pèp debout, dirijan ajenou ».
L.P.P- Me Bell, au cours de votre exil aux USA les jeunes haïtiens de Broward ont bénéficié beaucoup de vous, et ils témoignent chaque jour leur reconnaissance à votre égard, donc ils seront très contents de lire cette interview. Quel est votre dernier mot?
Me Bell- Mon dernier, c’est mon indignation sur ce qui se passe à la citadelle cette semaine. Un groupe de cinéastes français utilisent la citadelle pour dérouler un film. Ils utilisent l’espace non seulement pour leur projet cinématographique, mais aussi comme lieu de séjour. Ils dorment, couchent et vivent à la citadelle comme dans un ménage ou un appartement avec toutes les pratiques qui ne s’accommodent à un lieu sacré, telles les batteries de cuisines, exposition des linges etc. La haut le marché de la prostitution va à merveille, voilà un choc pour les habitants de la zone. Pour visiter, c’est une faible portion qui est réservée pour seulement trente minutes. Donc on ne s’oppose pas au projet en soi, mais les cinéastes pourraient dormir à Milot, et monter chaque jour à la citadelle. Transformer la Citadelle en Motel est inadmissible, et je pense que le cinéaste haïtien M. Raoul Peck, ancien ministre de la culture, qui accompagne ces gens pourrait avoir un comportement plus patriotique.
Haïti avant tout et malgré tout!
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