mardi 8 février 2011

"UN PLAN DE RELANCE AXÉ SUR LE PROFIT, CONÇU ET RÉALISÉ PAR DES ÉTRANGERS, NE PEUT PAS RECONSTRUIRE MON PAYS."


 Dr Jean-Bertrand Aristide, président en exil



Le tremblement de terre dévastateur qui a sévit en Haïti en Janvier de l'année dernière a détruit jusqu'à 5000 écoles et 80% des infrastructures universitaires du pays déjà fragile. L'école primaire de Port-au-Prince où j’ai attendu en tant que petit garçon s'est effondrée avec plus de 200 élèves à l'intérieur. 150 futures infirmières ont péri sous le poids de l'école des infirmières.
 
L'école  de médecine a été nivelée. Le nombre exact d'élèves, d’enseignants, de professeurs, de bibliothécaires, de chercheurs, d’universitaires et d'administrateurs perdu au cours de ces 65 secondes qui ont irrévocablement changé Haïti ne sera jamais connu.
Mais nous savons en outre, que cela ne peut être la fin.
 
La résilience exceptionnelle démontrée par le peuple haïtien pendant et après le séisme meurtrier reflète l'intelligence et la détermination des parents, surtout les mères, à garder leurs enfants en vie et leur assurer un avenir meilleur, et l'empressement des jeunes à apprendre - tout cela en dépit des défis économiques, des obstacles sociaux, des crises politiques, et les traumatismes psychologiques.
Même quand leur besoin de base a augmenté de façon exponentielle, leur volonté d'apprendre est manifeste. Cette soif naturelle de l'éducation est le fondement de la réussite du processus d'apprentissage: ce qui est appris de bon gré s'apprend mieux.   Bien sûr, l'apprentissage est renforcé et solidifié quand elle survient dans un environnement sûr, sécuritaire et normal. D'où notre responsabilité de promouvoir la cohésion sociale, la croissance démocratique, le développement durable, l'autodétermination, en bref, les objectifs fixés pour ce nouveau millénaire. Tout ce qui représente des étapes vers un retour à un meilleur environnement.
 
L'éducation a été une priorité depuis que le premier gouvernement Lavalas - dont j'étais le président – eût assermenté dans l’exercice de ses fonctions selon la constitution démocratique d'Haïti modifiée du 7 Février 1991 (et renversé quelques mois plus tard). Davantage d'écoles ont été construites au cours de ces 10 années entre 1994, quand la démocratie a été restaurée, et 2004 - quand la démocratie en Haïti a été de nouveau violée - qu'au cours de la période 1804 à 1994: 195 nouvelles écoles primaires et 104 nouvelles écoles secondaires publiques ont été construites et / ou remises à neuf.
 
Le séisme du 12 Janvier a en grande partie épargné la Fondation Aristide pour la démocratie que j'ai fondée en 1996. Immédiatement après le séisme, des milliers de citoyens habitués à trouver à la fondation un espace démocratique pour se réunir, débattre et recevoir des services de toutes sortes, s’y sont rendus pour s’abriter et trouver de l'aide. Les médecins haïtiens qui ont reçu leur formation à l'école médicale de la fondation se sont ralliés pour organiser des cliniques au local de la Fondation et dans les camps de tentes de la capitale. Ils continuent jusqu’à date de contribuer sans relâche au traitement de leurs frères Haïtiens infectés par le choléra. Leur présence constitue la gage d'inverser un jour le rapport d'un médecin pour 11.000 Haïtiens.
 
Des jeunes, qui au fil des ans ont participé aux multiples programmes d’alphabétisation de la Fondation, se sont portés volontaires pour faire fonctionner des écoles de fortune dans les camps logés sous les tentes. En partenariat avec un groupe de volontaires de l'Université du Michigan aux États-Unis, des séances de counseling post-traumatique ont été organisées par des étudiants formés pour s'aider eux-mêmes et pour aider leurs collègues Haïtiens entreprennent ensemble le long voyage vers la guérison. Un an plus tard, les jeunes et les étudiants attendent encore que le secteur universitaire de la fondation reprenne sa vocation éducative pour  aider à combler le vide national préexistant et approfondi le jour où la terre a tremblé en Haïti.
 
Est-ce que l’aggravation déstabilisatrice de la crise politique en Haïti continuera à empêcher la réussite scolaire de nos élèves? Je suppose que la plupart des étudiants, les éducateurs et les parents sont épuisés par la complexité d'une crise aussi dramatique et douloureuse. Mais je suis certain que rien ne peut atténuer leur soif particulière d’apprendre.
 
Le célèbre poète et essayiste américain, Ralph Waldo Emerson, a écrit que «nous avions appris la géologie le matin qui a suivi le tremblement de terre". Au fait ce que nous avons appris au cours de cette longue année de deuil d’après le séisme d'Haïti c’est qu'un plan de reconstruction exogène - axé sur le profit, l'exclusion, conçu et mis en œuvre par des étrangers – n’arrivera pas à reconstruire Haïti. Il est de la seule obligation de la collectivité Haïtienne d’entreprendre cette reconstruction et d'avoir leur mot a dire dans la direction que doit prendre leur nation.
 
Comme je n'ai pas cessé de le dire depuis le 29 Février 2004, durant mes années d’exil en Afrique centrale, à la Jamaïque et aujourd'hui depuis l'Afrique du Sud, je vais revenir en Haïti pour pratiquer ce que j’aime et connais le mieux: l'éducation. Nous ne pouvons qu'être d'accord avec les mots du grand Nelson Mandela, qui définît l'éducation comme une arme  puissante qui peut changer le monde.



"Yon sèl nou fèb, ansanm nou fò, ansanm, ansanm nou se Lavalas"
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